La fille du nord : 1 an
- Coralie Marichez
- il y a 2 jours
- 4 min de lecture

Aujourd’hui ça fait déjà un an que je suis rentrée en France. Un an que je vis cette “expatriation à la maison” un peu comme dans le plus grand silence… Un an que j’essaie de définir un mode de vie à mi-chemin entre celle que j’étais et celle que je suis. Un an que je m’accroche, impatiente avec l’envie très forte de me connecter à d’autres, de parler de mon histoire, d’échanger sur des sujets aussi profond que ce processus d’individuation que provoque l’expatriation.
Cela fait plusieurs mois que je m’adapte, que je me fonds dans la masse silencieusement et que je m’oublie parfois. Plusieurs mois que je me cache, que je me renferme, par peur de renforcer mon sentiment d’être encore plus incomprise. Par honte presque de ce rollercoaster dans lequel je me trouve à nouveau, seule. En fait, ça fait plusieurs mois que je me bataille en silence avec moi-même et aujourd’hui j’ai envie de prendre mon courage à deux mains et de vous partager en toute sincérité une autre facette de ce retour. Parce que le retour, ça fait aussi partie des voyages. Et que c’est dur de se construire sur une terre inconnue mais c’est peut-être encore plus dur de se re-construire sur une terre si familière.
Il y a un an, c’est à la France que je pensais quand je disais que j’avais le mal du pays. J’avais envie de revoir mes plaines du nord, mes plages du nord, les gens du nord. J’avais envie de retrouver la nourriture, la gentillesse, et la chaleur humaine de cette région. J’avais envie de retrouver de la stabilité, du cadre. J’voulais retrouver mes amis, ma famille. J’avais envie de me poser, d’avancer, un peu plus en adulte cette fois. J’avais envie de retrouver les soirées à danser au rythme des années 80. De renouer avec les apéros en terrasse. La proximité d’une Europe si diversifiée. D’admirer l’architecture des villes anciennes. De flâner dans les rues pour le plaisir des yeux.
Mais aujourd’hui j’ai le mal du pays. Ou plutôt le mal des pays. Si les montagnes de Norvège ou de Nelson m’oppressaient et que je rêvais de retrouver mes plaines du nord, aujourd’hui c’est mon lien direct à la nature qui me manque. C’est l’aventure sur un coup de tête qui coûte 0 euros où tu prends ta tente ton duvet et tu pars avec tes potes camper au milieu de nulle part. C’est l’ivresse des soirées autour du feu à faire griller des chamallow et à se raconter des histoires. C’est la simplicité des dîners improvisés entre potes de plusieurs horizons à refaire le monde. C’est le Mont Maunganui au lever du soleil et les aventures en van avec la tête de Cachou au réveil. C’est le son des guitares et des banjos au bar du coin. C’est la sonorité de la langue anglaise. C’est la culture moins stressée et moins stressante d’une vie à l’étranger, sans comptes à rendre à personne (ou presque). C’est la liberté de son temps à soi, sans toutes les règles dites et non-dites qu’imposent la culture d’où l’on vient. C’est l’absence de responsabilité. C’est l’ouverture d’esprit des gens rencontrés sur mon chemin. C’est le rapport à la terre. C’est l’absence de routine en mode “métro, boulot, dodo”. C’est la curiosité des gens envers cette étrangère que j’étais à leurs yeux.
Et puis j’ai le mal de mes amis. Tous maintenant éparpillés aux quatre coins de la planète, de l’Europe et de la France. Le retour de ma solitude, un sentiment que j’avais pourtant apprivoisé à l’étranger. Le manque de personnes avec qui partager ces sentiments si propres à l’expatrié. Celui du décalage, du choc des cultures, que seuls ceux qui sont partis et revenus peuvent comprendre. Celui d’une incohérence face à un monde, une culture, une société, qui continuent d’avancer en se buttant la tête contre des murs alors que nous, on sait. On sait qu’il existe d’autres modalités. D’autres schémas. Que la vie, ça peut être autre chose. Quelque chose de plus simple mais de plus vrai. Et qu’il est toujours possible de tout réinventer. De se réinventer.
J’ai le mal de moi. De cette version de moi que j’étais à l’étranger, qu’il me paraît impossible d’être ici. Quand on part si loin, on se détache de tous les Us et Coutumes à la française. Le “bien être”, le “bien paraitre”, le “bien dire" propres à notre pays. On se construit autrement. A mi-chemin entre ses propres traditions et celles du pays où l’on va. On n’est obligés de pas grand chose. Et on se pose vraiment les questions de ce qui est important pour soi. On tente des choses. On se découvre autrement. Avec le temps, on se trouve et on s’affirme. C’est une liberté je crois que l’on ne trouve que dans l’ailleurs. Là où personne ne nous connaît. Là où personne ne projette sur nous, des attentes, des principes, des traditions. Et c’est ce moi là qui me manque le plus aujourd’hui.
Dans les thérapies à l’approche dite systémique, on compare souvent les gens à la métaphore de la fleur. Si une fleur ne pousse pas dans un environnement précis, ce n’est pas la fleur que l’on cherche à changer, mais l’environnement. Parfois, il suffit d’un endroit avec un peu plus de soleil pour qu’elle fleurisse. Mais si l’on exporte une plante tropicale, au pole nord, cette plante va dépérir. C’est là toute la problématique il me semble de l’expatriation et du retour. Expatriée, j’apportais un autre type d’engrais à ma fleur, qui semblait la faire pousser pendant un temps donné jusqu’à ce que ça ne prenne plus. En voulant rentrer, j’avais envie de m’enraciner à nouveau là d’où je viens. Mais maintenant que je suis dans la bonne terre, il me reste à trouver le bon équilibre environnemental. Et ça, ça prend du temps.
On dit que ça prend en moyenne 2 voire 3 années pour s’ancrer dans un endroit, pour trouver ses repères, se refaire un réseau, un cercle d’amis, se sentir aussi ici chez soi. Alors, ça fait non pas déjà un an, mais seulement un an. Et il faut dire que, si je suis peut-être rentrée physiquement, mon esprit, lui, est encore en chemin…
Love.
Coco.
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